Le bon manager doit laisser parler son humanité
Fini le modèle du manager auréolé de « toute puissance » et pétri de certitudes. La survie et le développement des entreprises dépend désormais de managers capables de faire preuve d’humilité, d’authenticité et de confiance.
Temps de lecture : 4 mn
Beaucoup de dirigeants d’entreprises font le même constat : la crise sanitaire a emporté avec elle l’envie de s’investir de leurs collaborateurs. Toutes les classes d’âge, hommes et femmes confondus, affirment désormais leur besoin de trouver un sens à leur travail. En 2017, une étude de Gallup révélait que 71% des millenials (on désigne ainsi la génération née entre 1980 et 2000 et considérée comme hyper-connectée, soucieuse d’écologie et plus individualiste que la génération précédente) ne se ressentaient pas comme engagés vis-à-vis de leur entreprise. Aujourd’hui, c’est l’ensemble des travailleurs qui corrèle sa motivation à la qualité du mode managérial et de l’esprit d’équipe régnant dans l’entreprise.
Ancien manager chez TF1, Canal +, NRJ et l’INA, Gaël Chatelain-Berry a fait du management bienveillant son cheval de bataille : « Je crois bien que la pandémie aura eu cet impact sur les règles de vie en commun en entreprise : la bienveillance est devenue une évidence et un impératif pour recruter et fidéliser les salariés ».
Le management vertical insuffle un climat délétère
Pour maintenir une concentration optimale de leurs équipes et obtenir le respect de leurs subordonné.e.s, les managers ont longtemps usé de méthodes ultra-directives. Se focaliser sur les résultats des salariés, agiter la menace de la mutation ou du licenciement, soumettre quotidiennement les employés au stress et à la pression pour qu’ils respectent les délais et réalisent leurs objectifs : telles étaient les grandes lignes du référentiel du manager d’hier. Et la fin de la sacro-sainte performance justifiant les moyens, les chefs ont longtemps proféré à l’envi menaces, invectives, jugements dévalorisants et infantilisants.
Certes, à court terme ce style managérial maintient la productivité et impose le respect de la hiérarchie. Mais l’expérience a montré que ce mode de lead conduit tôt ou tard les employés au burn-out ou aux arrêts maladie en chaîne. Dans les entreprises qui consacrent ce mode de gestion du personnel, le turn-over est monnaie courante et l’ambiance de travail mauvaise. À ce sujet, Gaël Chatelain-Berry est explicite « Plus de 50% des démissions sont dues à une mauvaise relation avec son manager. On quitte un manager, pas une entreprise. »
Les salariés revendiquent leur besoin de bien-être au travail
À la fin du 20 ème siècle, le manager garantissait la réussite économique de l’entreprise. Il devait décider de la stratégie de l’entreprise, calculer sa rentabilité et donner des directives à ses collaborateurs, en charge de la création de valeur. Mais la mondialisation, la crise économique et dernièrement la crise sanitaire ont rendu caduque ce modèle.
Si le travail constitue toujours une valeur centrale dans leur esprit, les salariés renâclent à exécuter les ordres de leurs supérieurs hiérarchiques. Le présentéisme passif, les arrêts maladie, le développement des TMS (troubles musculosquelettiques) ou la fuite à la concurrence d’employés compétents illustrent souvent la même problématique : la non-satisfaction des besoins des salariés. À commencer par le besoin de réciprocité.
Les fermetures d’entreprises, les délocalisations, les vagues de licenciement massifs et les restructurations récurrentes ont fortement atténué le sentiment de loyauté envers l’entreprise. Pourquoi continuer à s’impliquer dans une entreprise qui congédie des employés compétents ? Depuis que performance et pérennité de l’emploi ne vont plus de pair, on assiste à une redéfinition du fondement des motivations des salariés. L’envie de s’impliquer dans l’entreprise est désormais conditionnée par la possibilité d’y satisfaire ses besoins de reconnaissance et d’expression de ses opinions, le tout dans un cadre sensoriel agréable.
Le profil du leader-serviteur se développe
Pour surnager dans le contexte d’instabilité actuel, la capacité d’une entreprise à s’adapter et la performance de ses équipes sont des atouts majeurs. La motivation et l’implication du personnel sont comme des braises sur lesquelles le manager a la responsabilité de souffler. Humilité, sincérité voire fraternité sont les nouvelles valeurs que le leader se doit d’incarner. Des valeurs qui sont aujourd’hui plébiscitées alors qu’elles ont longtemps été considérées comme taboues dans le domaine du travail.
Le bon manager n’est pas celui qui peut se targuer de la plus grande ancienneté, du prestige de sa formation ou de ses réussites passées. Le manager capable de mener à bien des programmes de transformation est celui qui sait voir la vraie valeur de ses collaborateurs et qui aide ses subordonné.e.s à grandir. Il inspire confiance par sa qualité d’écoute, son souci d’organiser des réunions interactives, son intérêt pour les initiatives venant de la base.
Il redonne du sens au projet collectif en replaçant l’humain au cœur de la création de valeur. Ainsi, il s’assure que le cap est clair pour tous mais laisse à chacun le choix des moyens pour l’atteindre. Il connaît ses forces et ses faiblesses et assume de ne pouvoir décrypter seul les enjeux et les défis du moment.
Management bienveillant et RSE : deux axes d’amélioration de l’entreprise
« L’entreprise qui réussira demain sera celle qui intégrera la notion de bienveillance dans ses valeurs, à tous les niveaux hiérarchiques » affirme Gaël Chatelain-Berry. Les chiffres le montrent : l’engagement des équipes augmente de 20% la productivité et la rentabilité de l’entreprise. Par ailleurs, le rapport IPSOS 2021 “Talents : ce qu’ils attendent de leur emploi” révèle que les futurs diplômés considèrent deux critères comme primordiaux ou très importants dans le choix de leur futur travail, à savoir : l’ambiance et le bien-être au travail d’une part, la façon dont l’entreprise intègre les enjeux environnementaux et sociaux à ses activités d’autre part.
86% des étudiants considèrent
l’ambiance et le bien-être au travail
comme des critères importants dans le choix de leur futur poste.
Baromètre “Talents : ce qu’ils attendent de leur emploi”
Mais changer sa vision du management n’est pas inné. Tout manager peut progresser à condition d’y être sensibilisé, à commencer par les managés eux-mêmes…avec bienveillance. Dans cette période de turbulence, savoir motiver ses troupes est donc un gage de succès. Un luxe dont les entreprises ne peuvent se permettre de se priver.
Sources :